« Le partage des compétences interdisciplinaires et l’échange avec les acteurs locaux sont fondamentaux »
Entretien à Xavier Guillot paru dans AMC n° 241, avril 2015. Dossier « Urbanités rurales », réalisé par Margaux Darrieus
Quelle est la place des territoires ruraux dans les écoles d’architecture?
Elle est aujourd’hui minoritaire et fragile. C’est pourquoi nous avons constitué le réseau scientifique interdisciplinaire «Espace rural et projet spatial» qui regroupe six Ensa (Bordeaux, Clermont-Ferrand, Grenoble, Lyon, Nancy, Paris-Belleville, Saint-Étienne et Rouen), trois écoles du paysage (Angers, Blois et Versailles) et deux écoles d’ingénieur agronome (AgroParisTech Clermont-Ferrand et Nancy). En école d’architecture, l’enseignement du projet est souvent dominé par les questions propres à la ville et à la densité, généralement subordonné à une forme «d’urbanocentrisme culturel». Nous offrons une autre approche du projet, par le territoire et l’espace rural, en partageant cette réflexion avec d’autres disciplines.
Quelle est la particularité des enseignements que vous conduisez en territoires ruraux?
Il y a d’abord ce partage de compétences interdisciplinaires. Mais il y a aussi les rencontres avec les acteurs du territoire: élus, populations, associations… C’est fondamental. L’atelier débute par un séjour en immersion dans un territoire avec les étudiants, pour en appréhender autant la dimension physique qu’humaine. Le projet s’élabore au travers des échanges avec le territoire et ses habitants. Les parcs naturels régionaux jouent un rôle de premier plan dans l’établissement de ces échanges. Avec eux, nous partageons une même approche «citoyenne» du projet. C’est aussi une manière de transmettre aux étudiants cette culture de la médiation paysagère qui est nouvelle pour eux.
Comment aborder la question spécifique de la requalification des centres-bourgs?
On l’appréhende en l’insérant dans une problématique d’échelle plus large, en l’associant à l’ensemble des changements qui touchent le territoire d’une commune. Les projets prennent forme à partir de scénarios prospectifs: la formulation de nouveaux cycles de vie, prenant en compte le potentiel d’un territoire, le fait que les territoires ruraux sont désormais engagés dans un vaste processus d’hybridation, où se mêlent, avec l’agriculture, espaces résidentiels, industriels, touristiques…
À Ambert, commune du Puy-de-Dôme, où l’on travaille actuellement avec les étudiants de trois écoles rhônalpines, Lyon, Grenoble et Saint-Étienne (1), on est parti du scénario Afterres 2015 de Solagro (2) et du manifeste NégaWatt (3). L’évolution de l’activité agricole et la production locale d’énergies renouvelables sont les deux entrées choisies pour aborder le projet, de l’échelle territoriale à l’échelle architecturale. Prochainement, les travaux d’atelier seront exposés dans la commune et seront l’objet d’un débat public, avec les élus et les habitants; alors qu’au même moment ces mêmes élus sont engagés dans l’élaboration d’un PLU intercommunal. La rencontre entre ces deux dynamiques est passionnante et profitable à tout le monde.
(1) Atelier effectué dans le cadre du programme de recherche interdisciplinaire Ignis mutat res du Bureau de la recherche architecturale, urbaine et paysagère (BRAUP) du ministère de la Culture et de la Communication.
(2) Afterres 2050 : quelle utilisation des terres en 2050 en France ? Voir: www.solagro.org/site/393.html
(3) Manifeste NégaWatt, voir : www.negawatt.org/le-manifeste-negawatt-p98.html
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