Objectifs et orientations

« Laboratoire » de nouvelles pratiques professionnelles, cette proposition de résidences veut être l’occasion de démontrer tout l’intérêt d’initier de nouvelles pratiques professionnelles dans l’espace rural.

Objectifs principaux

Comme l’explique la géographe Valérie Jousseaume : après la « grande inspiration » des populations vers les villes entre 1800 et 1970 en lien avec la révolution industrielle, est venu le temps de la « grande expiration », c’est-à-dire un processus de redistribution historique de la population dans l’espace en lien avec la mutation macro-économique de notre société. Or, les conséquences de cette redistribution sont loin d’être équitables. En témoigne la dite « fracture territoriale », opposant les métropoles productrices de PIB à des territoires ruraux qui se trouvent aujourd’hui dans des logiques de déprises économique et démographique, subissant ainsi le fait métropolitain plus qu’ils n’en bénéficient.

Le phénomène de désertification urbaine, mis en avant en février 2017 lors des Assises pour la revitalisation économique et commerciale des centres-villes, ne concerne pas seulement 200 centres-villes, appartenant à des unités urbaines de plus de 50.000 habitants. Il touche également un très grand nombre de villages et de petites villes à l’écart des flux de la métropolisation et des circuits touristiques. Comme le souligne à juste titre la journaliste Isabelle Rey-Lefebvre, nous assistons aujourd’hui en France à une forme de « deuxième exode rural ». La quasi-totalité des 15 000 communes rurales ou isolées de France sont rongées par la dévitalisation de leur centre, qui va en s’accélérant. Les causes de ce processus sont multiples, l’une d’entre elles étant le recours par ces communes  au même référentiel spatial métropolitain en terme d’aménagement : zones commerciales, aménagements en « entrée de ville », etc. Ces choix n’ont pour la plupart fait qu’accentuer la déprise des bourgs et des villes-centres, comme le montre le récent ouvrage d’Olivier Razemon. 

Cette consult’action a pour cadre de réflexion cette situation. Elle porte sur des communes du département de l’Ardèche qui sont aujourd’hui concernées par ces logiques de déprise économique, avec pour conséquences la dévitalisation de leurs centres-bourgs, et la vacance de leur bâti : résidentielle, commerciale ou industrielle. 

Orientations théoriques et pratiques

Avant que ce phénomène de désertification et de vacance ne soit devenu un sujet d’intérêt national, une réflexion a été engagée en France, notamment au travers des programmes de « revitalisation des centres bourgs ». Il convient d’en examiner les acquis, pour les valoriser, mais aussi pour les dépasser. 

Sur le terrain, on évoquera les actions menées par un ensemble d’élus autour du « Manifeste commun pour la défense des Nouvelles ruralités », dont un des objectifs est la mise en valeur des atouts des territoires ruraux. Non pas dans une optique de « rattrapage » des phénomènes liés à la métropolisation, mais dans la confrontation avec d’autres modes de vie, souvent préexistants dans ces territoires qu’il convient de revisiter et de faire évoluer : pratiques alimentaires locales en lien avec les saisons, relations sociales de proximité autour du partage et l’entraide, formes d’habitat intergénérationnel, etc.

Chez les praticiens de l’espace, on soulignera l’apport du Pavillon français de la Biennale d’architecture de Venise en 2017 dans la mise au jour de nouvelles pratiques du projet spatial. En sélectionnant des projets sobres, à l’écoute des contextes, dotés de sens quant aux modes de vie qu’ils accueillent, les commissaires de l’exposition « Nouvelles richesses » ont proposé une forme de « manifeste démocratique » pour les territoires français, qui convoque la responsabilité sociale de l’architecte, vers une plus forte collaboration avec les acteurs engagés dans ces territoires, ainsi qu’avec leurs habitants.  

Dans le domaine pédagogique, on mentionnera les ateliers de projet conduits par les enseignants du réseau « Espace rural et projet spatial » (ERPS) en immersion dans les territoires, ateliers fondés sur le partage des savoirs avec les acteurs et les populations locales. En matière de recherche, on retiendra lors des deux dernières rencontres scientifiques du réseau ERPS, l’apport du débat sur les transitions pour identifier des leviers de projet et défier les logiques déclinistes actuelles. 

Tirant parti de ces expériences, on suggérera que soient tout particulièrement prises en compte trois dimensions de la transition qui intéressent directement les quatre communes où sont programmées les résidences. Ceci afin de mettre au jour d’autres récits de transformations de ces communes, visant à dépasser les pratiques conventionnellement associées en France à la réhabilitation et la rénovation du bâti des centres-bourgs.

– La transition énergétique, dont le but est de sortir du système d’approvisionnement centralisé d’échelle nationale, pour valoriser le potentiel territorial – matériel et humain – du territoire de proximité, en vue d’élaborer un écosystème énergétique décentralisé.  Cela revient à identifier au niveau local de nouveaux gisements, mettant à profit les quatre éléments propres aux énergies renouvelables. Mais surtout à préfigurer des formes d’hybridation avec les activités en place, associant leur transformation à la production d’énergie décarbonée pour l’ensemble de la communauté.

– La transition économique, dont l’objet est de montrer en quoi les territoires ruraux et leur maillage territorial pourraient être l’amorce d’un autre régime de production de richesse. A ce sujet, on peut évoquer la notion de bio-économie, dont une des idées fondatrices est la la restauration des liens sociaux et de productivité des écosystèmes, pour promouvoir des formes d’économie solidaire, à l’inverse des formes de surproduction et de surconsommation engendrées par la logique économique dominante.

– La transition technique enfin, dont les ressorts sont la recherche d’autres processus organisationnels que ceux fondés sur une hyper-technicisation des modes de vie au quotidien du monde, conduisant à la déprise des usagers de l’expression de leurs besoins. En terme de projet, cela revient à sortir du seul imaginaire du progrès fondé sur l’innovation à tout prix. Ceci dans l’optique de faire valoir des formes de progrès plus « subtiles », basées sur l’interprétation créative de l’existant comme le suggère le philosophe Pascal Chabot.