Appel à contributions – revue In Situ

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« Tout le monde au jardin ! Patrimoine paysager en France – 1815-1914. État des lieux – Enjeux de conservation et de restauration »

Date limite d’envoi des propositions : 15 juin 2025

Coordination scientifique

Marie-Hélène Bénetière, chargée de mission pour les parcs et jardins à la sous-direction des Monuments historiques et Sites patrimoniaux, direction générale des Patrimoines et de l’Architecture, ministère de la Culture

Stéphanie de Courtois, historienne des jardins, enseignante-chercheuse à l’École nationale supérieure d’architecture de Versailles

Julie Faure, conservatrice en chef du patrimoine, région Île-de-France, service Patrimoines et Inventaire, en charge de la thématique Jardin

Objectifs du numéro

Publier les recherches récentes inédites et les recherches en cours sur les parcs et jardins du xixe siècle dans leur approche patrimoniale.

Le corpus des parcs et jardins du xixe siècle étant très vaste, nous nous limiterons ici à interroger les jardins publics dès leur création ou devenus publics par usage. Il s’agit d’offrir une perspective analytique et opérationnelle afin que ces jardins continuent d’être des lieux de sociabilité pour nos contemporains.

Présentation du sujet

Plus de quarante ans après la Charte de Florence (1982), et dans un contexte de crise climatique, environnementale et sociale, le patrimoine des jardins fait l’objet d’un engouement toujours plus vif du public, conférant à ces parcs publics, squares, anciens domaines royaux, jardins d’artistes et autres parcs d’agrément, une multitude de rôles dans la construction des villes et des territoires ruraux.

En matière d’imaginaire du jardin, la France est pourtant souvent réduite au fameux « jardin à la française », avec André Le Nôtre (1613-1700) en figure tutélaire, effaçant parfois la grande richesse de formes et d’usages née des jardins conçus au xixsiècle par les architectes-paysagistes peu à peu reconnus comme des professionnels, qui ont porté loin en dehors des frontières françaises, mais aussi au sein des villes et campagnes dans toute la France, le goût pour ces jardins aux végétaux précieux et exotiques, aux allées sinueuses, ornés avec recherche et vitrine des modernités successives et des échanges avec un monde élargi.

Aujourd’hui, ces lieux constituent toujours la trame des tissus urbains, en cœur de ville ou dans les périphéries qui ont englobé les anciennes demeures privées et souvent permis l’accès à leurs parcs, au prix, malheureusement, de certaines simplifications ou amputations.

Le présent numéro veut rendre visibles ces patrimoines devenus quotidiens, témoigner de l’excellence et du raffinement qui ont présidé à leur création, et de leurs propriétés spatiales intrinsèques permettant de renouveler leur rôle dans les villes et territoires.

Il se propose de dresser un état des lieux de la recherche sur les jardins d’agrément d’un grand xixe siècle jusqu’à la rupture de 1914, tout comme sur les nombreuses occasions où ces espaces ont été réhabilités et réutilisés durant le xxe siècle. Il soulignera les défis qu’ils posent aujourd’hui, permettant ainsi de tracer les voies de patrimonialisation empruntées.

Les propositions pourront aborder le jardin à toutes ses échelles spatiales et temporelles, en mobilisant des disciplines variées afin que le numéro rende justice à la véritable nouveauté qu’ils ont représentée, à leur dimension exploratoire, à leur place dans la société du xixe siècle comme dans la vie quotidienne de nos contemporains ou dans les pratiques de tourisme. Les textes auront à cœur de mettre en lumière des lieux connus ou méconnus, qu’ils soient effacés ou encore très investis ; ils se feront l’écho de tous ceux qui poursuivent aujourd’hui leur entretien patient et les interventions nécessaires à leur maintien et à la lecture plurielle des « œuvres conjointes de la nature et de l’art » qu’ils constituent.

Axe 1 – Métiers, savoir-faire et innovations : fabrique et représentations des jardins du xixe siècle

Comprendre le caractère novateur de ces jardins invite à éclairer les métiers qui y ont concouru : paysagiste, jardinier, pépiniériste, horticulteur, mosaïculteur, rocailleur, fondeur, dessinateur, pour n’en citer que quelques-uns, avec une présence notable de femmes autrices, jardinières ou commanditaires ; c’est aussi analyser les procédés et modes opératoires nouveaux qui ont été développés pour permettre ce foisonnement, allant des pratiques de chantier ou des brevets industriels aux modalités de conduite de la maîtrise d’ouvrage. Ces jardins s’offrent également comme un miroir des enjeux sociétaux alors à l’œuvre. Ils mettent en scène un nouveau rapport au corps que révèle l’émergence d’espaces aménagés pour la pratique sportive. Les premières piscines excavées apparaissent ainsi au sein de parcs paysagers privés ou publics, de même que les premiers parcours de golfs et, de manière générale, les espaces réservés aux jeux et à l’exercice.

Le jardin s’invite en outre dans les programmes architecturaux des usines, des cités ouvrières, des sièges sociaux de grandes entreprises ou de centres administratifs (mairie, préfecture, etc.). Il s’agit de réintroduire la nature là où cela est possible dans un souci certes d’hygiène mais aussi de qualité de vie qui n’est pas encore qualifiée d’environnementale mais qui en porte les germes.

Ces jardins ont été amplement représentés, par la littérature ou la peinture, et à travers la photographie, ou par des plans aquarellés présentés dans les expositions internationales, contribuant à les révéler et les ancrer dans les nouveaux modes de vie urbains. Ces supports offrent aujourd’hui des sources précieuses autant que fragiles.

Si les archives sont encore peu préservées, des mobiliers et signalétiques, des kiosques et des grottes, des grilles et des fontaines et autres aménagements (boulodrome, terrain de jeux) sont souvent présents, mais pas toujours protégés ni reliés dans une lecture globale d’un parcours et d’une expérience du jardin, tels que ces lieux en proposaient à une population souffrant des conséquences d’une industrialisation à marche forcée.

Axe 2 – Du jardin d’élite au jardin pour tous : influence internationale et appropriations du modèle paysager français

Ces jardins ont ainsi rapidement été appropriés, commentés, exposés et ont donné lieu à une intense production écrite et iconographique qui s’est fait le relais d’une école paysagère française conquérante jusqu’à parfois donner l’impression de stéréotypes reproductibles partout.

Les propositions éclaireront les adaptations que les professionnels ont pu développer dans de nombreux contextes politiques et géographiques différents. Cette influence de l’école française du paysage à l’étranger au xixe siècle et au début du xxe siècle s’est manifestée à travers plusieurs réalisations marquantes et le travail d’architectes-paysagistes formés à Versailles.

En France, par exemple, le parc des Buttes-Chaumont à Paris (1867), conçu par Jean-Charles-Adolphe Alphand et Jean-Pierre Barillet-Deschamps, est ainsi devenu un modèle international du jardin public haussmannien. Édouard André (1840-1894), enseignant à l’École nationale d’horticulture de Versailles, va également incarner cette influence par la réalisation des projets encore existants dans de nombreuses villes de France, et à travers le monde, de la Lituanie à l’Uruguay (parc d’Užutrakis (Lituanie), Sefton Park à Liverpool (Grande-Bretagne), parc du Grand-Duché du Luxembourg ou encore le parc de Montevideo (Uruguay)). Son élève, Henri Martinet, diffuse, lui aussi, ce style paysager français de la Bulgarie au Japon (parc d’Euxinograd à Varna et parc Shinjuku Gyoen à Tokyo (1902-1906)) en passant par la Turquie et la Tunisie.

Les architectes-paysagistes français adaptent leurs concepts aux contextes locaux en intégrant des plantes indigènes dans les compositions, en prenant en compte des climats variés (tropicaux, méditerranéens, etc.), tout en respectant les traditions culturelles locales dans l’aménagement des espaces. Cette capacité d’adaptation a contribué au succès et à la diffusion du modèle français à l’international, tout en permettant son évolution et son enrichissement au contact d’autres cultures.

L’influence de l’école française du paysage s’est ainsi étendue bien au-delà des frontières nationales, contribuant à façonner les espaces verts urbains dans de nombreux pays et laissant un héritage durable dans l’art des jardins à l’échelle mondiale. Il convient de l’interroger.

Axe 3 – Une composition végétale et… architecturale à préserver : les défis du xxie siècle 

Cet axe invite à questionner et analyser l’extension inédite de ce champ patrimonial au xixe siècle, impliquant d’en retracer les contours et les limites. La période étudiée est en effet un foisonnant creuset d’innovations tant du point de vue conceptuel, formel qu’esthétique. Le modèle urbain haussmannien, qui désire ouvrir largement les parcs et jardins, jusque-là réservés à quelques privilégiés, permet la création de nouveaux lieux : roseraies, squares, cimetière-parcs, etc. Ce renouveau des formes se déploie alors que la toute nouvelle Commission des monuments historiques publie sa première liste (1840) mettant en lumière la nécessité de protéger les parcs et jardins des châteaux et grands domaines. Cette prise de conscience aboutira aux sauvetages-recréations de nombreux parcs historiques tel que Bagatelle (Paris), Breteuil (Yvelines), Dampierre (Charente-Maritime), Chaumont (Loir-et-Cher), Le Lude (Sarthe)… qui porteront dès lors l’empreinte d’architectes et jardiniers emblématiques de la période.

Aujourd’hui, cette diversité n’est pas aisée à appréhender. Une réelle connaissance de ces lieux, de leur histoire, de leur évolution, de ce qui fonde leur identité fait parfois défaut, rendant difficile leur préservation lors d’opérations de rénovation. Si des inventaires sont en cours afin de les recenser et les étudier, cette entreprise de connaissance, indispensable et préalable à leur sauvegarde, relève toutefois de la gageure du fait, entre autres, de leur nombre considérable et du manque de moyens alloués à cette mission. S’ajoutent à cela, la disparition de la chaire de botanique, le difficile renouvellement du métier de jardinier et la carence de formation des professionnels du patrimoine (architecte, conservateur) et des aménageurs en matière d’architecture et d’histoire des jardins.

Objet d’attentions contradictoires – comment concilier densification des villes et maintien de ces jardins et de leur capacité à délasser, rassembler, instruire, émerveiller –, les jardins du xixe siècle occupent plus que jamais un rôle central pour les citadins, et leurs dimensions conjointement infrastructurelle, environnementale et culturelle doivent être rappelées et éclairées. L’objectif est donc ici de rapporter les réflexions, expériences et opérations liées à l’ensemble des enjeux précités. Les problématiques de conservation liées au contexte de crise climatique, environnementale et sociale seront également interrogées.

Propositions de contribution

Les articles proposés devront contenir une part inédite d’expérience, de recherche, d’hypothèse ou de mise à jour ; ils ne sauraient donc reprendre un article déjà paru. Il est souhaité qu’ils soient largement illustrés, y compris par des exemples sonores et/ou audiovisuels. Ainsi pourraient-ils contenir un entretien vidéo ou en prendre la forme.

Si vous souhaitez contribuer à ce numéro, nous vous remercions d’envoyer votre proposition avant le 15 juin 2025, constituée d’un résumé de 1 500 signes au maximum, ainsi que d’un court CV à

insitu.patrimoines@culture.gouv.fr
ou par voie postale :
Ministère de la Culture et de la Communication
Direction générale des Patrimoines et de l’Architecture
Revue In Situ. Revue des patrimoines
182, rue Saint-Honoré
75001 Paris
à l’attention de Nathalie Meyer

Envoyer une copie de votre proposition à :

Marie-Hélène Bénetière, marie-helene.benetiere@culture.gouv.fr
Stéphanie de Courtois, stephanie.de-courtois@versailles.archi.fr
Julie Faure, julie.faure@iledefrance.fr
Et à l’adresse générique : insitu.jardin19e@gmail.com

Les résultats des propositions retenues seront communiqués le 10 juillet 2025. Les textes eux-mêmes seront attendus le 15 octobre 2025. La taille des articles sera comprise entre 15 000 et 35 000 signes.

Les recommandations aux auteurs concernant le nombre de pages ou d’images, les droits de l’iconographie, l’insertion de notes et de liens, etc., sont consultables sur le site de la revue : https://journals.openedition.org/insitu/32424